Le médiateur est une personne impartiale et neutre. Il essaie de rétablir le dialogue entre les parties en les écoutant et en favorisant une communication empreinte de respect. Dans le domaine de l’enseignement / apprentissage la médiation et la médiatisation sont deux concepts fondamentaux pour le travail de l’ingénieur pédagogique. Car un de ses charges fondamentales est la transmission du savoir, il doit s’appuyer sur des ressources médiatisant la relation entre enseignant et apprenant. En d’autre termes les environnements techno-pédagogiques sont aujourd’hui basés sur les technologies d’Internet et du Web, qui ont remplacé les médias classiques de la formation à distance. Ces environnements « permettent la médiatisation non seulement des contenus d’apprentissage et de ressources, mais aussi les diverses fonctions génériques de tout dispositif de formation ainsi que des activités que sont amenés à réaliser autant les enseignants que les apprenants. » (Peraya, 2005)
Cependant qu’entendons-nous par « médiation » et « médiatisation » ? Comment ont-elles évolué ?
Origine et évolution des concepts de « médiation » et de « médiatisation » :
Pour mieux comprendre l’origine des concepts médiation et médiatisation nous devons au préalable identifier d’abord le tout premier concept catalyseur. En effet, c’est à partir du concept «dispositif» qu’elles (médiation et médiatisation) sont très bien définies. Et lui-même (dispositif) tire son origine de la technique : « Manière dont sont disposés les pièces, les organes d’un appareil; le mécanisme lui-même [ … ]Ensemble de moyens disposés conformément à un plan» (Robert, 1975, Vol. 2, p. 253). C’est par là, qu’a apparu le concept « dispositif » avec les sciences expérimentales et notamment par la psychologie ou le « terme dispositif expérimental » s’est effectivement stabilisé.
Ainsi dans le domaine des sciences de l’éducation, avec l’influence de l’ingénierie de la formation le concept « dispositif » fait ses apparitions dans le vocabulaire de l’enseignement / formation. C’est alors que Daniel Peraya (1999/3 (n° 25), p. 153-167) déclare « qu’un dispositif se constitue d’un ensemble de moyens mis au service d’une stratégie, d’une action finalisée, planifiée visant a l’obtention d’un résultat. » Il poursuit sa définition en précisant qu’ « un dispositif est une instance, un lieu social d’interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interaction propres ».
Alors pour qu’un dispositif fonctionne il faut une organisation bien structurée de : « moyens matériels, technologiques symboliques et relationnels qui modélisent, à partir de leurs caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales (affectives et relationnelle), cognitives, communicatives des sujets. » Cette conception du « dispositif » semble sous-entendre la notion de « communication médiatisée », la référence aux médias. Un média est une activité humaine distincte qui organise la réalité en textes lisibles en vue de l’action. » (J. Anderson., théoricien des médias).
En effet, les années 1960 était l’ère du multimédia caractérisée par un usage des médias (imprimé, radio, télévision, vidéo). Retenons l’apport stimulant de Marshall McLuhan en 1964 avec la publication de son essai Pour comprendre les médias. C’est lui qui voit le média comme une extension d’une faculté humaine. Déjà en 1920, pour comprendre en quoi consistait le concept de médiation, Vygotsky, dans son approche psychologique des processus mentaux va donner une place centrale à la médiation. Selon lui la médiation par des outils socioculturels, dont le principal est le langage, change fondamentalement les opérations de pensée qui y sont liées et qui s’appellent aujourd’hui raisonnement, résolution de problèmes, mémoire, attention.
Avec l’avènement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), les années 1980 ont annoncé l’époque d’Internet, des hypermédias et du multimédia. ( Dan Lamso NOMAOU ). Ceci a permis l’intégration des fonctions de production de support de communication multiforme (Vidéo, audio, MP3…). Francis Balle (1990) dans son ouvrage : médias et sociétés, propose de définir le média comme « un équipement technique permettant aux hommes de communiquer l’expression de leur pensée, quelles que soient la forme et la finalité de cette expression. » En 1973 déjà Cloutier faisait une distinction entre médias de masse, médias de groupe et self-média.
Cependant il faut attendre : Leroi Gourhan, Norman (1991) et Rabardel (1995) qui ont apporté des contributions intéressantes, pour mieux comprendre cette transformation de l’activité humaine par les médias, retraçant quelque peu un historique de la médiation et de la médiatisation. Mais, C’est à travers le concept de communication éducative que tout s’est vraiment développé autour de ces deux notions.
Ces développements sur la racine principale des termes médiation et médiatisation fondent quelque peu l’historique autour de ces concepts.
Définitions actuelles de médiation et médiatisation
Médiation :
Dans la société.
Dans le domaine social, la notion de médiation évoque généralement l’intervention d’un tiers dans la résolution d’un conflit ou d’un différend : il s’agit d’aider à trouver une solution entre des forces antagonistes grâce à un accompagnement. L’objectif est de rétablir une relation entre elles en faisant en sorte qu’elles s’écoutent, se parlent et se comprennent. Ce qui caractérise la médiation, c’est son mode d’intervention : il n’impose pas une solution, il suppose la liberté et la responsabilité des parties en présence. Brigitte Simonnot (2015). Parfois, la médiation cherche à développer la volonté des parties d’aboutir à un accord, à faire consensus. Elle est différente à la conciliation.
Sur le plan cognitif
Dans le domaine documentaire, la notion de médiation a d’abord permis de souligner comment les lieux et les professionnels permettent d’établir un lien, une relation entre des documents, supports potentiels d’information et de connaissances, et des lecteurs. Dès 1985, Jean Meyriat (1985/2009 : P.208) parlait du documentaliste comme d’un médiateur qui va aux sources de l’information et, par un traitement approprié, ménage des voies d’accès censées faciliter l’approche de l’utilisateur, sans altérer la valeur informative des contenus. De même, pour Guylaine Beaudry, les bibliothèques « sont des espaces d’animation, de médiation et de mise en relation entre les personnes, avec les sciences et la culture » (Beaudry, 2012 : 27).
Dans l’éducation.
Dans le domaine de l’enseignement / apprentissage, la médiation est une relation traduisant l’utilisation d’intermédiaires technologiques dans le processus éducatif. Cette relation est fondamentale dans le processus de formation car permettant à l’apprenant de rester en contact avec un artefact (en exemple les outils TIC) qu’il va instrumenter pour construire ses connaissances, mais aussi et surtout avec le concepteur des contenus de formation. Mais lorsqu’on médiatise la relation entre l’apprenant et le concepteur de contenus la distinction devient difficile entre les deux concepts. En effet «la médiation technologique impose ses contraintes tant aux contenus qu’à l’énonciation elle-même» (Daniel PERAYA).
En définitive, la médiation dépend du contexte. Pour ce qui concerne un environnement techno pédagogique (et donc l’ingénieur pédagogique), la médiation se concentre sur l’analyse de l’impact de l’instrument sur l’activité et le comportement de l’utilisateur [Peraya, 2005].
Les précurseurs dans le domaine éducatif
– Lev Vygotski : Selon lui La médiation est, avant tout, un type d’interaction qui déclenche des processus de changement internes, structurels, touchant au regard sur soi, sur l’autre, sur l’environnement ou le contexte, sur ce qu’on en comprend et ce que l’on y fait. Ce type d’interaction médiateur permet le développement et la création de structures cognitives. Ainsi, la médiation pédagogique est une posture de l’enseignant. Celui-ci ne se comporte pas comme un détenteur de savoir qu’il inflige, impose, mais comme un facilitateur de découverte et de compréhension.
– Célestin Freinet : insiste, comme Dewey, sur le rôle du travail et de la coopération dans l’apprentissage, ainsi que sur l’insertion de l’école dans la vie locale.
– Reuven Feuerstein : le médiateur est la personne qui interprète pour l’enfant ses expériences en les orientant vers un but. Sans médiation pas ou peu de changement, en particulier lorsque l’enfant est déficitaire. C’est la médiation de la signification. La médiation c’est une certaine interaction relationnelle. Elle s’inscrit toujours dans un environnement prenant en compte un sujet apprenant, un objet, une tâche, un médiateur, une situation d’apprentissage. Elle s’organise autour de l’acte d’apprendre. La médiation c’est l’action d’un tiers sur une personne pour l’aider à mieux fonctionner sur le plan intellectuel.
– Jerome Bruner : Pour lui la médiation sociale lors des conduites d’enseignement-apprentissage (interaction de tutelle) s’exerce sur un mode communicationnel (dialogique). Il introduit un concept clef rendant compte des processus de régulation dans ces interactions de tutelle, celui d’«étayage ».
– Piaget : à travers ses différents travaux sur le développement cognitif met en évidence la notion de médiation sociale ou l’interaction. Le concept de médiation.
Dès lors, le concept de médiation peut aussi être intégré le domaine informatique avec le développement du réseau Internet où l’ordinateur devient un outil médiateur permettant d’assurer une communication instantané. (Synthèse de Abdelli Houda)
Médiatisation
La médiatisation est la mise en forme des contenus pour faciliter leur accès, leur compréhension dans un ensemble cohérent d’une forte ergonomie d’usage. Ainsi, on peut dire que ce qui différencie principalement une plateforme d’une autre c’est surtout à travers le système de médiatisation mis en œuvre. La médiatisation doit tenir compte profondément des aspects psychologiques des utilisateurs et des apprenants. Laurillard (1993) arrive à la conclusion que le processus d’enseignement – apprentissage idéal est un dialogue entre le professeur et l’étudiant et pour que ce dialogue s’installe il faut un cadre, et la conception de cadre constitue la médiatisation. En se référant à la théorie sociocognitive de A. Bandura, Généviève Lameul appréhendent la médiatisation de la relation pédagogique comme une des composantes de l’environnement social de l’enseignant. (Blog Mathias Diomaye FAYE)
Par ailleurs la médiatisation, est aussi une médiation par un outil cognitif externe technologique, en l’occurrence un outil informatique ou un environnement informatisé. La technologie ne permet pas un apprentissage direct et immédiat, ce qui signifie qu’un apprenant n’apprend pas des ordinateurs, livres, vidéos ou autres dispositifs mais cette technologie doit servir à faciliter le processus de construction du savoir. Sharon J. Derry décrit en 1990 les outils cognitifs comme des dispositifs mentaux et informatiques qui étendent le processus de pensée de leurs utilisateurs. Pour David H. Jonassen, les outils cognitifs sont des ressources intelligentes avec lesquelles l’apprenant collabore de manière cognitive dans la construction de ses connaissances.
Pour résumer, Les définitions de média et médiatisation amènent à une réflexion à niveau technopédagogique sur l’articulation de ces deux concepts. Comme on a vu, la médiatisation concerne l’ingénieur pédagogique, donc le formateur, qui doit choisir entre les médias à disposition et planifier la distribution du savoir. La médiation a un rôle dans l’interaction entre l’apprenant, le formateur et les médias (Rocca, Alexandre ; 2011).
Par contre la médiatisation occulte le fait que communiquer ne consiste pas seulement a transmettre un message, un contenu : communiquer constitue fondamentalement un acte social. Tout acte de communication s’inscrit dans une interaction sociale, qui a son tour prend place dans un système plus vaste de rapports sociaux. Aussi, a cote des opérations de médiatisation qui concernent la scénarisation de contenus et les opérations de transposition sémiotique a d’autres registres, il faut encore tenir compte de la médiation de la relation qui s’instaure entre l’ émetteur et le destinataire.
Alors, « l’articulation entre médiation et médiatisation repose sur le fait qu’il ne peut y avoir de médiation sans médiatisation. Autrement dit, c’est la présentation qui permet et facilite la relation. C’est pourquoi on peut avancer que c’est à travers ces deux termes qu’il est possible véritablement de faire une comparaison objective entre deux plateformes d’enseignement à distance ». (Mathias Diomaye FAYE)
ZIDA D. Edmond Didace
Etudiant Master ACREDITE
Université de Cergy-Pontoise
Bibliographie :
2- Brigitte Simonnot. Médiations et agir informationnels à l’ère des technologies numériques. Les Cahiers d’Esquisse, ESPE Aquitaine, 2014, Vers de nouvelles formes de médiation documentaire et bibliothéconomique, pp.21-33. (https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_01124651/document )
7- Synthèses des travaux des membres du groupe 2 M2- ACREDITE 2018-2019